Un récent mémo de Bill Gates décrivant un changement de stratégie climatique a suscité les critiques des climatologues, qui affirment que cette stratégie emploie des tactiques trompeuses telles que des arguments de type « homme de paille » et de « fausses dichotomies ». Le mémo, publié la semaine dernière, suggère un changement de cap stratégique visant à s’éloigner de la priorité accordée à la réduction des émissions et à s’orienter vers la lutte contre la pauvreté et la souffrance dans les pays en développement.
L’argument principal du mémo
Le document de 17 pages de Gates propose de réorienter les ressources et l’attention vers le soulagement des souffrances immédiates, arguant que le réchauffement climatique ne mènera pas à la disparition de l’humanité. Il suggère également que les décisions de financement dans les pays en développement nécessitent souvent de choisir entre l’action climatique et les programmes d’aide, ce qui crée un calcul numérique difficile dans un monde aux ressources limitées. Ce point de vue a trouvé un écho chez certains, notamment l’ancien président Donald Trump, qui l’a salué comme une correction à ce qu’il a appelé le « canular du changement climatique ».
Réaction de la communauté scientifique
Cependant, plusieurs climatologues se sont fermement opposés aux arguments de Gates, affirmant qu’ils dénaturent le consensus scientifique et simplifient à l’excès les défis complexes posés par le changement climatique.
Arguments de « l’homme de paille » et faux choix
Zeke Hausfather, chercheur scientifique à Berkeley Earth, a rétorqué que l’idée selon laquelle le financement climatique doit se faire au détriment de la réduction de la pauvreté est une prémisse erronée. “C’est un homme de paille de suggérer que retirer de l’argent à l’action climatique conduit automatiquement à une augmentation de l’aide”, a-t-il déclaré. “Nous ne vivons pas nécessairement dans un monde à somme nulle.”
Katharine Hayhoe, scientifique en chef à Nature Conservancy, a fait écho à ce sentiment, critiquant l’affirmation de Gates selon laquelle le réchauffement climatique ne mènera pas à la disparition de l’humanité, la considérant comme une fausse représentation des avertissements scientifiques. “Les scientifiques ne prédisent pas l’extinction de l’humanité”, a expliqué Hayhoe. “Au lieu de cela, nous avertissons que la souffrance augmente à chaque dixième de degré de réchauffement.”
Daniel Swain, climatologue à l’Université de Californie pour l’agriculture et les ressources naturelles, a décrit le mémo comme s’appuyant sur un « binaire incontestablement faux » – décrivant un choix entre un monde où tout va bien et « littéralement la fin du monde ». “En réalité, il y a tout un éventail de mauvaises choses qui peuvent arriver entre les deux”, a noté Swain.
Le contexte plus large des impacts climatiques
Les scientifiques soulignent que les politiques climatiques ont déjà contribué à éviter les scénarios climatiques les plus catastrophiques. Cependant, même la trajectoire actuelle entraînera d’importantes souffrances humaines dues à l’élévation du niveau de la mer, à l’augmentation des sécheresses et des inondations, ainsi qu’à d’autres dangers liés au climat. Ces impacts ne se limitent pas aux pays du Sud ou aux pays pauvres, ils s’étendent à toutes les régions et écosystèmes du monde.
Swain a souligné le décalage entre le mémo de Gates et les réalités du changement climatique. Par exemple, le mémo suggère que le réchauffement des températures nécessitera de suspendre les travaux extérieurs pendant les heures les plus chaudes et d’investir dans des centres de refroidissement et des systèmes d’alerte précoce. Même si « tout le monde mérite la climatisation », Swain a souligné que de nombreuses régions du monde ne disposent actuellement pas de cette nécessité fondamentale.
Réponse de Gates et Cop30
Suite aux critiques, Gates a clarifié sa position lors d’entretiens, suggérant que son mémo vise à présenter une « vision pragmatique » axée sur la maximisation des ressources et de l’innovation pour les pays pauvres. Il a reconnu que ceux qui ne croient pas au changement climatique ou qui y voient une menace apocalyptique peuvent être en désaccord avec son point de vue.
La discussion autour de la note intervient avant le sommet mondial sur le climat Cop30 au Brésil, qui offre l’occasion de faire progresser l’effort climatique mondial. Hayhoe a souligné la nécessité de s’attaquer de front à la crise climatique, notamment en éliminant progressivement les combustibles fossiles.
En fin de compte, le mémo souligne la complexité de l’allocation des ressources pour répondre à la fois aux souffrances immédiates et aux défis environnementaux à long terme, un équilibre qui nécessite un examen attentif et un dialogue ouvert entre les décideurs politiques, les scientifiques et les dirigeants philanthropiques.
Essentiellement, la réponse scientifique à la note de Gates souligne l’importance d’une compréhension nuancée de la crise climatique et met en garde contre une simplification excessive des choix et des solutions nécessaires pour atténuer ses impacts.
